Lorsque l’on pratique le Live Looping, on ajoute au jeu instrumental des gestes qui ne doivent pas interférer sur l’interprétation de la musique. Le choix de l’outil est fondamental, car il induit une interaction et des contraintes particulières. Un musicien trouve normal de passer des heures à choisir et préparer son instrument, à faire des gammes… Lorsque nous commençons à faire du Live Looping, nous devons avoir la même exigence. Je propose de faire ici un point sur le système que j’utilise et qui s’est stabilisé il y a un an environ.
Cela va sans dire, en qualité de développeur de Logelloop, j’ai opté pour la solution informatique. Je dois d’ailleurs reconnaître que c’est Logelloop qui m’a emmené au Live Looping et non l’inverse! Mais si j’ai choisi à un moment de commencer à développer un logiciel de Live Looping, c’est parce que je pratique la musique acoustique et que j’ai toujours été entouré de musiciens pratiquant des instruments acoustiques. Et à ce titre, je sais combien le respect des timbres est un critère important. Utiliser un looper informatique signifie que l’on peut soit même choisir les préamplis et convertisseurs que l’on va utiliser. On est donc totalement libre de constituer sa propre chaîne audio. On est également libre de choisir les interfaces entre l’utilisateur et le looper, voire, au besoin, de se fabriquer ses propres systèmes de commande.
J’utilise Logelloop sur un Mac, pour des raisons de robustesse et de stabilité face aux virus par exemple, mais aussi, je dois le reconnaître, par habitude. Mon Mac est un 15 pouces, car j’ai beaucoup de fenêtres à voir durant les concerts, que l’ordinateur est positionné assez loin devant moi et que je dois pouvoir lire instantanément, en un coup d’œil ce qui se trouve à l’écran. Cela est fondamental pour la fluidité de mon Live Looping. Je précise aussi que mon Mac a un processeur rapide, i7 et est doté de 16 Go de Ram, car les boucles s’enregistrent dans la mémoire vive de l’ordinateur, il faut donc beaucoup de place.
En ce qui concerne la carte son, là aussi je choisis la meilleure qualité audio et une fabrication robuste. Suivant les cas de figure, j’utilise 2 modèles différents. Lorsque je pars en tournée en voiture ou en train et que j’ai besoin de beaucoup d’entrées et sorties, j’utilise l’UFX (RME). Lorsque le moyen de transport est l’avion, c’est l’UCX (RME également) que j’emporte! J’utilise les mêmes interfaces en studio, les enregistrements de mes concerts sont donc compatibles avec ceux que je réalise à la maison. Une des grandes qualités des cartes RME est l’interface de contrôle TotalMix qui permet de router les sources à volonté. C’est dans la TotalMix que je réalise le mixage entre micros et les sorties de Logelloop pour les Ear Monitors et le système de sonorisation. À noter que les boucles entendues dans les Ear Monitors sont mixées dans un canal auxiliaire de Logelloop.
Le choix des micros est peut-être plus important encore que celui de la carte son. Pour du Live Looping, la proximité avec l’instrument est importante, car il faut enregistrer l’instrument sans enregistrer les autres instruments ou les bruits de la salle. Mais lorsque les micros sont embarqués, le son se trouve très souvent déformé. Après plusieurs comparatifs, mon choix s’est arrêté sur le modèle 4061 de la marque DPA microdot. C’est un micro omnidirectionnel, il respecte donc au mieux le timbre de l’instrument, à la distance à laquelle il se trouve de l’instrument (1 cm environ à gauche, 5 cm environ à droite), il capte très peu les sons alentour et prend essentiellement le son du bandonéon. Le 4061 a également la particularité d’avoir une atténuation interne nécessaire pour un instrument aussi puissant que le bandonéon. Le poids est un critère à prendre en compte, le 4061 se prince sur l’instrument, il pèse quelques grammes et ne nécessite pas de pieds, c’est le meilleur compromis avec un son remarquable!
S’entendre, entendre les boucles, ne pas avoir de reprise du son du retour dans les boucles, ne pas perdre du temps à régler les retours de scène lorsque l’on n’a qu’un line check avant de jouer… Tout cela m’a emmené à adopter la solution Ear Monitors. J’ai choisi un modèle qui respecte au mieux les timbres, il s’agit de l’EM32 (de Earsonics, une marque française). Accessoirement, ces Ear Monitors me servent également à me protéger des sons forts puisqu’ils sont totalement fermés et que je peux doser le son très faiblement tout en conservant une excellente précision d’écoute. Cette solution est bien moins fatigante pour les oreilles que la solution avec un bain de pied.
La commande du looper, le pédalier, ne peut être laissée au hasard, il est presque aussi important que le clavier du bandonéon! Là encore, il m’a fallu faire des tests comparatifs, mais je n’ai rien trouvé d’intéressant dans le matériel existant. Tout est trop lourd, trop gros, trop grand, trop bruyant (les clicks des boutons), bref, vulgaire. Nous avons donc travaillé avec Antoine Massot, Christophe Baratay et Mael Bellec pour concevoir la solution idéale. Il s’agit d’un pédalier fait maison, le noyau est un Arduino, programmé de telle sorte qu’il soit « vu » par l’ordinateur comme un pédalier MIDI. Les boutons sont sélectionnés pour être silencieux, souples et étanches (à la poussière et à l’humidité). Le pédalier comporte 13 boutons, 12 boutons de commande, le treizième sert au changement de page. La seconde page peut parfois être utile pour commander les fonctions secondaires du looper. Chaque bouton émet une note midi qui est affectée dans les préférences du projet, à une fonction de Logelloop. Le clavier est le plus léger possible et sa dimension permet si cela est nécessaire de le prendre dans la cabine lors d’un voyage en avion. Pour ceux qui jouent assis, l’épaisseur du pédalier est un critère important, car il faut que le pied repose sur le talon et soit le plus à plat possible pour maîtriser la précision de l’appui et éviter les erreurs. L’écart entre les boutons doit être le plus petit, tout en éloignant les risques d’appuis sur deux boutons à la fois. Le choix des chaussures est également important, on les préférera sans talon, à bout fin pour des raisons de précision de l’appui et avec des semelles fines permettant le meilleur contact avec le bouton.
Pour contrôler les réglages de Logelloop, j’ai d’abord cherché à utiliser des interfaces de boutons rotatifs, sans véritable succès, car c’était peu adapté à ce que je souhaitais faire, j’ai aussi testé une tablette avec l’application Lemur, cela ne convenait pas non plus à ce que je souhaitais faire. Notamment dans le rapport que ça induit avec le public : le musicien fait des choses importantes, mais qui restent invisibles du public. J’ai donc adopté le Leap Motion qui me permet d’associer des mouvements de main dans l’espace à des fonctions de Logelloop (je ne reviens pas en détail le Leap, car j’en parle beaucoup dans ce post).
Pour le Leap, comme pour le pédalier, Logelloop permet de faire des scripts (macros) qui peuvent être associés à des commandes midi. Il est donc possible de faire beaucoup de choses par un simple appui sur un bouton. Cela permet donc d’utiliser très peu de boutons différents lors d’un concert, ce qui a un impact important sur la disponibilité pour l’interprétation de la musique.
Je branche également un disque dur externe à mon ordinateur afin d’enregistrer les concerts en utilisant la fonction « Output recording » de Logelloop. Cette fonction permet d’enregistrer toutes les entrées et sorties du logiciel sur des pistes séparées. Le fruit de ces enregistrements peut donc être édité et mixé à volonté dans un logiciel tel que Cubase, Logic, Pro-Tools…
Pour finir, les stands sont faits à la maison! Pour les pieds et le pédalier, j’utilise une plaque de contreplaqué de 1cm d’épaisseur, des boulons caoutchoutés, me permettent de régler la hauteur de mes pieds et du pédalier en fonction de la hauteur de la chaise que je trouve sur place. Le Leap est fixé au bout d’une tige filetée visée sur le trépied. L’ordinateur repose quant à lui sur une plaque fine. L’ensemble de ces stands est démontable afin de prendre le moins de place possible dans la valise.
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