À l’occasion de la rénovation de la prison de Guingamp, qui hébergera Gwinzegal et va devenir un centre d’art, Céline Larrière, directrice des Affaires culturelles de la Ville de Guingamp, a demandé à Julien Simon, auteur de théâtre, d’écrire un parcours de parole qui serait le fruit d’un travail de recherches dans les archives de la prison.
Julien a travaillé pendant plusieurs mois et lorsqu’une cinquantaine de textes ont été réunis, j’ai été sollicité pour faire la prise de son des voix de professionnels ou simples Guingampais, qui se sont emparés de ces paroles historiques. La commande consistait également à faire un assemblage homogène et à composer une musique sur mesure.
Nous avons travaillé avec Julien à partir de septembre 2017. La première phase d’enregistrement des voix parlées et chantées a duré neuf mois. Parmi ces voix, Annie Ebrel, Iffic Troadec et Yann-Fañch Kemener. Comme vous le savez, Yann-Fañch est décédé il y a peu et notre rencontre a eu lieu quelques jours avant qu’il n’apprenne sa maladie. J’ai été subjugué par son professionnalisme et sa générosité. C’est l’un de ses derniers enregistrements et ce n’est pas sans émotion que nous avons travaillé dessus. Je tiens ici à lui rendre hommage.
Puis est venu le temps des choix, de l’assemblage dramaturgique de ces mots. Avant de passer à l’étape de composition de la musique et la mise en son finale en binaural.
Le choix d’une diffusion au casque a été retenu dès le départ. C’est-à-dire que l’auditeur prendra un baladeur à l’accueil et partira se promener dans la prison en écoutant l’un des 4 parcours de 20 minutes. Cela signifie d’une part que l’auditeur sera seul, isolé du monde par le système d’écoute au casque, mais connecté à l’espace par les mots et la musique. Ces dispositifs de baladeurs et de casques ont été conçus par Mael Bellec (électronique et assemblage), Christophe Baratay (programmation informatique de l’application) et Ralph Wendel (graphisme).
Le binaural permet un placement virtuel des sons autour de l’auditeur muni de son casque. Cela donne une sensation de largeur, tout en offrant une grande liberté lors de l’assemblage, car on ne dispose pas simplement d’un champ stéréo qui revient presque, au casque, à avoir un son à gauche, un son au centre et un son à droite. En binaural, c’est pour ainsi dire les 360° qui entourent l’auditeur qui sont exploitables et il est même, dans une certaine mesure, possible de jouer sur le positionnement vertical des sons.
Le choix du binaural a également eu un intérêt pour la connexion avec le lieu, car il m’a aidé à prendre des empreintes sonores des endroits clés de la prison (une cellule, la cour, la chapelle) et à utiliser ces empreintes pour produire les réverbérations qui recréent un espace sonore réaliste, sans pour autant faire un travail d’illustration ou de bruitage (je préfère laisser cela aux spécialistes, les gens du cinéma ou de la radio). Je me suis contenté de simuler les espaces, d’y mettre les voix et parfois de faire un travail de création sonore en harmonie, en soutien, en contrepoint et parfois même à rebrousse-poil ! La direction a toujours été donnée par Julien Simon qui veillait à ce que chaque chose fasse sens.
L’ensemble de la fabrication des sons s’est faite dans Logelloop, en utilisant les instruments à ma portée les plus adaptés à la situation. On trouve donc un bandonéon, des tubes cloches, un harmonium, un verre à pied, quelques morceaux de bois, des bouteilles explosées sur le sol, etc.
Chacun des quatre parcours sonores possède une couleur et une thématique particulière. Julien en parle bien mieux que moi, c’est pourquoi je vous conseille d’écouter l’émission que Morgan Large a faite avec lui à Radio Kreizh Breizh. Attention, les extraits qui se trouvent dans l’émission sont en stéréo et non en binaural, vous pouvez donc écouter cet enregistrement sur des haut-parleurs, mais vous n’aurez pas la sensation d’effet 3D dont je parlais plus haut.
Ci-dessous se trouvent quelques extraits sonores en binaural, pour une écoute idéale, je vous conseille de les écouter au casque.
L’inauguration de la prison de Guingamp a lieu ce week-end, vous pourrez y faire l’expérience de ce parcours sonore au casque. Sinon, pas de panique, l’écoute sera possible pendant plusieurs années.
Écouter l’émission de Tomaz Laquaine qui invite Fañch Peru à parler du texte Mari Lousken qui fait également partie de ce parcours sonore : http://www.radiobreizh.bzh/bzh/episode.php?epid=32098
A lire aussi, l’article du cri de l’ormeau : voyage_au_bout_de_la_nuit
Et l’hagiographie de Julien dans le Télégramme : Prison_de_Guingamp_Julien_Simon_Article_Le_Telegramme
Laisser un commentaire